Nous l’évoquions depuis plusieurs mois, le risque politique faisait selon nous partie des éléments majeurs à même de perturber la marche en avant des bourses mondiales. L’issue des élections européennes a confirmé les pronostics : l’extrême droite étend le nombre de sièges qui lui est acquis au détriment des partis écologistes et socio-démocrates. Si les marchés n’apprécient guère le populisme et l’instabilité politique, le score historique du Rassemblement National et la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron au soir du scrutin ont amplifié l’onde de choc sur les marchés financiers.
A l’issue de la semaine de bourse suivant les élections, le CAC 40 subissait une lourde baisse de plus de 6%. Il faut remonter au déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022 ou à l’annonce des confinements en 2020 pour assister à un repli hebdomadaire aussi important. A la différence près que les mouvements de replis concernaient alors l’ensemble des marchés européens voire mondiaux.
Plus que le projet du RN, c’est en premier lieu l’incertitude politique qui pèse sur le sentiment des investisseurs. L’exemple italien laisse penser qu’à l’instar des promesses de Giorgia Meloni, le programme du RN ne serait pas appliqué en l’état en cas d’arrivée à Matignon (la volte-face sur la retraite à 60 ans en est la première illustration). Un indicateur représentatif du stress de marché lié au risque spécifique français est l’écart entre les taux d’emprunt français et allemand (également appelé « spread ») sur une échéance à 10 ans. Concrètement, le coût d’emprunt de l’état allemand est historiquement plus faible que celui de la France du fait notamment d’une meilleure gestion des finances publiques. Plus l’écart de taux entre les deux pays est important, plus le risque perçu par le marché est élevé sur la dette française relativement à l’Allemagne. Au cours de la semaine dernière, le spread a augmenté de 30 points de base atteignant 0,8% (au plus haut depuis 2017 et le scénario d’un éventuel second tour Mélenchon / Le Pen). Il s’agit de sa plus forte hausse hebdomadaire depuis la crise des dettes souveraines en 2011.
En fin de semaine, le rendement de la dette française (à 3,10%) se situait sur les niveaux qui prévalaient avant la dissolution de l’Assemblée nationale. Parallèlement, le mouvement de refuge vers les obligations allemandes, plus sécurisées, a favorisé la baisse du taux d’emprunt outre Rhin. Plus qu’un mouvement de défiance envers la dette tricolore, l’écart de rendement s’est donc davantage creusé sous l’effet de la baisse des taux allemands que sur la hausse des taux français.
Quel impact sur nos portefeuilles ?
La diversification géographique à laquelle nous avons particulièrement prêté attention ces derniers mois a joué pleinement son rôle. Malgré la baisse du CAC 40 de 6,2% sur la semaine, les marchés actions mondiaux (MSCI World) sont en hausse de 1,6% sur la même période. Les bourses américaines ont atteint de nouveaux records et l’indice large européen (Stoxx 600) ne baisse « que » de 2,4%.
Les phases d’allègement de l’exposition actions de ces derniers mois ont permis de limiter la volatilité. Les portefeuilles nous paraissent aujourd’hui bien positionnés avec une part significative de monétaire et/ou obligations court terme qui sont moins affectées par le risque politique que par les décisions de politique monétaire. Enfin, les produits structurés actuellement en portefeuille comportent suffisamment d’avance sur leur niveau de remboursement anticipé pour résister même en cas de poursuite du mouvement d’aversion au risque sur les actions européennes.
Quelles décisions dans ce contexte ?
Bien que l’impact sur les marchés mondiaux reste pour l’heure relativement limité, nous restons extrêmement prudents face à la situation actuelle. Dans le cas où l’extrême droite obtiendrait la majorité absolue aux prochaines élections législatives, les remous sur la dette française et le CAC 40 pourraient s’intensifier. Il nous parait donc prématuré de renforcer significativement l’exposition actions. Nous continuons à privilégier les obligations à faible duration car il nous semble peu probable que la BCE remette en question les futures baisses de taux en fonction de l’issue du scrutin. Nous préférons le crédit de qualité (obligations de grandes entreprises internationales), moins exposé au risque politique que la dette gouvernementale. L’écart de taux entre la France et l’Allemagne pourrait selon nous encore se creuser car il ne reflète actuellement pas totalement le risque de dérapage budgétaire.
Même si les risques sont importants, que l’instabilité politique n’est jamais bonne pour les marchés et que la mise en application du projet du Rassemblement National dégraderait considérablement les perspectives économiques du pays, il est important de ne pas céder à la panique en allégeant drastiquement l’exposition actions. S’exposer à cette classe d’actifs doit s’envisager à long terme. Sortir du marché actions maintenant entrainerait un risque de passer à côté d’un mouvement de rebond en cas d’issue positive.
Achevé de rédiger le 17 juin 2024. Cet article est publié dans un but informatif et ne constitue pas une offre de souscription. Les opinions formulées sont susceptibles d’évoluer en fonction des conditions de marché et ne constituent pas un engagement ou une garantie. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.